
Meet the residents : Justine Taillard, artiste plasticienne
Je parlerais d’un profil plus intuitif que technique… Je trouve que fabriquer par soi-même est une façon d’observer et de comprendre le monde autour de soi. C’est une façon d’entretenir la curiosité. Petite, je m’amusais à recréer des intérieurs ; je bricolais avec des pièces de bois ou du papier sur lequel je dessinais du faux parquet. Aujourd’hui, mes “bidouilles” se font à l’échelle de petites maquettes d’espaces ou d’objets. En fonction des idées et des projets viennent ensuite les défis de faisabilité. C’est là que s’ouvrent aussi des collaborations avec d’autres artistes/concepteur.ice.s/makers.
Parle-nous de ton/tes projet/s.
Pour cette résidence, je vais travailler avec l’accessoiriste Adèle Dendaletche et les graphistes Clara Sambot et Eugénie Bidaut sur un prototype de “chaussures-tampons”. Écrire en marchant ou en tapant du pied, c’est une idée que j’ai dans la tête depuis 6 ans maintenant, et que je concrétise étape par étape dans le projet performatif “COM(M)A”. J’y réfléchis sur le langage et sur l’errance à l’intérieur d’une société sélective/excluante, à partir de mon expérience de jeune diplômée face à “l’après école d’art”. C’est une manière de m’amuser des parallèles entre l’espace et la page, entre le corps et la lettre, entre le caractère et le character, et d’ébaucher – peut-être – un alphabet alternatif.
© Justine Taillard – expérimentations graphiques, 2021
© Adèle Dendaletche – modèle 4.3.4, 2020
© Milena Desse – captures d’écran de la vidéo “COMA”, 2021
Comment es-tu arrivée dans un fablab ? Qu’est-ce qui t’a motivé à venir ?
J’ai d’abord débarqué au Cityfab1 accompagnée par Charlotte Hermant, une amie artiste et scénographe, il y a un peu plus de trois ans. C’était dans le cadre de mon projet de fin d’études. Je travaillais à l’époque sur une installation de presque 50 mètres carrés dans laquelle j’explorais les transformations de la matière bois et de ses motifs à la base du sol. Je souhaitais graver une citation sur une série de plinthes stratifiées, et grâce à la découpeuse laser du fab, ce fut chose faite en un temps record et pour un montant dérisoire… L’année suivante, j’ai complété la formation pour ladite machine, ce qui m’a permis de revenir régulièrement pour expérimenter la découpe. De quoi réaliser des maquettes et concrétiser des pistes de recherches. C’est de cette manière que j’ai consolidé ma méthodologie de travail. Au fil des collaborations, j’ai eu la chance de travailler avec la designeuse industrielle et ébéniste Alice Emery (de Maak & Transmettre), ce qui m’a permis de découvrir les locaux de la Micro Factory. En ce qui concerne cette résidence 2022, j’ai trouvé l’appel à projets sur les réseaux sociaux; je savais que la formule proposée avait toute sa pertinence compte tenu des besoins techniques de mon nouveau projet. Alors, j’ai tenté, et j’ai bien fait finalement 🙂
Quels sont pour toi les avantages de fréquenter un fablab?
L’accès aux machines des fablabs bruxellois a ceci de génial qu’il multiplie les potentiels de réalisation pour des tarifs très abordables. A partir de là, c’est un peu comme si tout était possible : inventer des techniques, imaginer des nouvelles matières ou documenter des processus de fabrication, concevoir ou amplifier des outils… Dans un véritable esprit de partage, le monde des makers concentre beaucoup d’inventivité. C’est réjouissant d’en être, de concrétiser des formes, de rencontrer des créatif.ve.s tout en acquérant une certaine autonomie de réalisation ! Le Cityfab3 héberge la fameuse découpeuse jet d’eau que j’espère bien tester un jour, et dispose aussi d’une grande découpeuse laser de 150 x 90 cm, bien pratique quand on travaille avec des supports plus larges. L’endroit, au demeurant très agréable et lumineux, a aussi l’avantage d’être à taille humaine : petite équipe donc plus d’attention pour le suivi des projets des un.e.s et des autres. Bonne ambiance en somme, bonus café illimité !
Quelle est ta machine (numérique) de prédilection ? Pourquoi ?
Pour le moment, très classiquement : la découpeuse laser. C’est celle qui m’a été le plus utile jusqu’à aujourd’hui, et qui le sera encore pour mon projet à venir compte tenu des matériaux à travailler (bois, cuir, plexiglas, carton, papier). C’est précis, c’est efficace, et puis c’est inspirant : j’ai une certaine fascination pour les formes en négatif qui restent sur la grille, ça m’a d’ailleurs donné l’idée de plusieurs pièces pour ma première exposition personnelle à la MAAC, en 2021.
Ton conseil à une personne qui n’est jamais venue dans un atelier partagé ?
Ne pas avoir peur de la technicité puisqu’au fond, c’est l’idée qui sert de guide. Et surtout: ne pas hésiter à parler de son travail et des difficultés de fabrication avec les autres, parce que c’est comme ça qu’on trouve des solutions !
De futurs projets / machines ou techniques à tester?
En parallèle de quelques petits projets d’écriture, j’ai plusieurs idées qui gravitent autour du vêtement et de la parure sur lesquelles j’espère me pencher bientôt. Pour de la gravure sur pierre, je ferai sûrement appel à des savoir-faire artisanaux. Pour le travail textile, j’aimerais reprendre mon obsession des lignes du bois et décliner un motif sur un costume. Je me demande comment obtenir cet effet sur un tissu sans passer par l’impression par sublimation. Je songe bien sûr à la sérigraphie à base de produits moins polluants mais j’envisage aussi, pourquoi pas, l’élaboration d’un tissage bien spécifique dans l’atelier textile de la MicroFactory. A suivre. 🙂
© Marjolaine Abaléa, 2020
Découvrez le travail de Justine Taillard sur sa page Insta!
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